juridique nvo avril 2020
Quand le coronavirus entraîne l’activité partielle
Le coronavirus contraint nombre d’entreprises à mettre en activité partielle leurs salariés. Comment ceux-ci sont-ils indemnisés ? Pendant combien de
L temps ? La NVO vous répond.
’ activité partielle, autre- fois appelée chômage partiel, est un dispositif
qui permet à l’employeur d’obtenir une aide de l’État afin d’indemniser les sala- riés qui subissent une perte de rémuné- ration imputable :
– soit à la fermeture temporaire de leur établissement ou partie d’établisse- ment (par exemple une entreprise peut à la fois organiser le télétravail pour ses services administratifs et mettre en activité partielle d’autres services, de production notamment) ;
– soit à la réduction de l’horaire de tra- vail pratiqué dans l’établissement ou
partie d’établissement, en deçà de la durée légale de travail (art. L. 5122-1 et suiv. du C. trav.). Cela peut concerner par exemple les salariés par roulement dans une même équipe afin de mainte- nir une certaine activité.
Pour faire face aux baisses d’activité engendrées par l’épidémie de corona- virus, éviter de licencier et préserver les compétences de leurs salariés, les entreprises qui ont recours à ce dispo- sitif bénéficient d’une prise en charge améliorée des indemnités qu’elles versent à leurs salariés ainsi que d’un assouplissement des modalités de la demande.
Cas de recours d’une entreprise à l’activité partielle Les motifs permettant de recourir à l’ac- tivité partielle sont limités par la loi (art.
R. 5122-1 du C. trav.). Mais c’est essen- tiellement le motif de « circonstance de caractère exceptionnel » qui va être le plus couramment utilisé dans le contexte du coronavirus, ainsi que des difficultés d’approvisionnement en matières pre- mières ou en énergie.
Le dispositif est étendu à de nouvelles catégories par l’ordonnance no 2020-346 du 27 mars 2020 (J.O. du 28). Seront éli- gibles les salariés dont la durée de travail est fixée par forfait en heures ou en jours
qui n’ont pas accès en temps normal à l’activité partielle en cas de réduction de l’horaire de travail habituellement en vigueur dans l’établissement (Art. Ier, 10°, du décret du 25 mars 2020, J.O. du 26). Une règle de conversion en heures et en salaire est mise en place, règle également applicable aux VRP. De même, sont pris en compte les secteurs fonctionnant avec des heures d’équivalence, c’est-à-dire qui travaillent plus de 35 heures et qui pré- voient des jours de repos en contrepartie, comme c’est le cas dans les transports. Le dispositif est également ouvert aux assis- tantes maternelles, employés à domicile et aux entreprises étrangères ne compor- tant pas d’établissement en France et qui emploient au moins un salarié effectuant son activité sur le territoire national.
Signalons par ailleurs que la crise sani- taire n’est pas une cause légitime de rup- ture anticipée des CDD ou des missions d’intérim et qu’il est possible de deman- der la mise en activité partielle d’un sala- rié en CDD ou d’un intérimaire.
Comment sont indemnisés les salariés ?
En principe, l’employeur a l’obligation d’indemniser chaque salarié en activité partielle à hauteur de 70 % du salaire brut (base de calcul de l’indemnité de congés payés) ce qui représente environ 84 % du net. Si l’entreprise ou l’établissement n’est pas fermé, les salariés subissant la réduc- tion de leur durée de travail perçoivent 70 % du salaire brut sur les heures chô- mées et 100 % sur les heures travaillées. L’indemnisation est portée à 100 % du salaire horaire net en cas d’actions de for- mation, mais seulement si l’employeur a donné son accord avant le 28 mars 2020. Si le salarié perçoit une rémunération mensuelle inférieure au Smic (salaire et indemnité d’activité partielle cumulés), il a droit au bénéfice d’une rémunération mensuelle minimale (RMM) sous forme d’une allocation supplémentaire. Versée par l’employeur, elle lui permet de perce- voir l’équivalent du Smic (1 539,42 euros par mois). Les salariés à temps partiel, en principe exclus, peuvent désormais en bénéficier au prorata de leur durée contractuelle de travail. Quant aux apprentis et titulaires d’un contrat de professionnalisation, ils peuvent bénéfi- cier d’une indemnité égale à leur rému- nération antérieure.
Il appartient à l’employeur de verser la rémunération au salarié à la date nor- male de paie. Il doit ensuite adresser une demande de remboursement à l’Agence de services et de paiement (ASP) pour pouvoir bénéficier de l’allocation d’acti- vité partielle. Le bulletin de paie men-
tionnera le nombre d’heures indemni- sées au titre de l’activité partielle, les taux appliqués et les sommes versées au salarié au titre de la période considérée.
Que reçoivent les entreprises de la part de l’État ?
L’employeur perçoit un remboursement de l’État (art. D. 5122-13 du C. trav.). Le décret du 25 mars 2020 prévoit un remboursement de 8,03 euros par heure minimum dans la limite de 4,5 Smic, soit 45,67 euros maximum, 4,5 × 10,15 (valeur du Smic horaire), dans toutes les entre- prises, quel que soit l’effectif.
Exemple : un salarié est placé en activité partielle ; il bénéficie d’une rémunération égale à 3 Smic. L’employeur a obligation de lui verser son salaire, à hauteur de 70 % de sa rémunération brute et l’État lui remboursera la totalité. Si le salarié béné- ficie d’une rémunération égale à 5 Smic, l’État lui remboursera 70 % de 4,5 Smic brut et l’employeur n’aura à sa charge que l’équivalent de 70 % de 0,5 Smic brut.
Les règles applicables habituellement subsistent. Seules sont indemnisées au titre de l’activité partielle les heures
« chômées » sous la durée légale du tra- vail, ou sous la durée du travail résul- tant de dispositions conventionnelles ou contractuelles, si elle est inférieure.
En temps normal, l’indemnisation versée à l’entreprise est limitée à un contingent de 1 000 heures par an et par salarié. Mais l’article R. 5122-6 du Code du travail pré- voit que cette limite peut être dépassée dans des cas exceptionnels résultant de la situation particulière de l’entreprise.
Quelles démarches effectuer ? Les entreprises doivent envoyer une demande préalable d’autorisation d’acti- vité partielle au préfet du département, et ont 30 jours pour déclarer la mise en activité partielle de leurs salariés.
La demande doit s’accompagner de l’avis favorable du comité social et éco- nomique (CSE) s’il existe (art. R. 5122-2 du C. trav.). Compte tenu des difficultés à réunir certains comités, la demande peut se contenter de préciser la date prévue de consultation, l’employeur pou- vant adresser l’avis rendu dans un délai de deux mois à compter de la demande. Mais cela ne doit pas le dispenser à notre avis d’associer les représentants du per- sonnel à la démarche.
Compte tenu de l’urgence, l’administra- tion doit répondre en 48 heures (au lieu de 15 jours). L’autorisation d’activité partielle pourra être accordée pour une durée de 12 mois (au lieu de 6), et demeu- rera renouvelable.
Laurent Mile
LE BILLET DE JURIDIX
Retrait du droit
En cette période de confinement,
il ne faut pas oublier que de nombreux salariés demeurent à leur poste de travail.
Et certains d’entre eux, estimant que leur employeur n’a pas mis en œuvre les mesures suffisantes pour leur éviter d’être exposés au risque de contagion, entendent exercer leur droit de retrait conformément à l’article L. 4131-1
du Code du travail.
Les salariés peuvent, en effet, se retirer de toute situation de travail dont ils
ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, et se soustraire à toute défectuosité qu’ils constatent dans les systèmes de protection. L’employeur ne peut
ni contraindre un salarié qui fait usage de son droit de retrait à reprendre
son activité, ni le sanctionner.
Vl’à-t-y pas que le ministère du Travail a indiqué : « […] dans le contexte du
coronavirus, si l’employeur met en œuvre les recommandations du gouvernement […], les conditions d’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies […] ».
Or ces recommandations se limitent, pour l’employeur, à respecter les mesures barrière – un mètre entre chaque personne – mesures dont on ne peut
que constater l’insuffisance puisqu’elles n’intègrent pas les moyens de protection suffisants (masques, gants…).
En clair, le gouvernement vise à dissuader les salariés de recourir à un droit fondamental, qui doit reposer uniquement sur le sentiment de sécurité ou d’insécurité. On est plus proche
du retrait du droit que du droit de retrait et cela augure mal de la suite.
Laurent Milet

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