Les inquiétantes ambitions du gouverneur de la Banque de France

Service publicLes agents de la Banque de France étaient massivement en grève le 25 novembre et de nouveau le 6 décembre. Ils s’opposent catégoriquement au projet de réforme des carrières et au plan stratégique « Ambitions 2020 » du gouverneur de la banque centrale française.
Les inquiétantes ambitions du gouverneur de la Banque de France
Deuxième journée d’action des agents de la Banque de France, mardi 6 décembre pour protester contre les projets de restructuration du gouverneur Villeroy de Galhau. À l’appel de l’intersyndicale CGT-SNA BDF-CFDT-FO-CFTC, plus de la moitié du personnel était à nouveau en grève dans toutes les antennes de France. À Paris, des grévistes ont même envahi la réunion du comité central d’entreprise (CCE ) qui se tenait ce même jour et qui devait entériner la fin des négociations autour de divers projets de réforme de l'institution bancaire. « Une écrasante majorité d’agents est catégoriquement opposée aux “ambitions” de monsieur de Galhau ; nous l’avons massivement exprimé lors de l’action du 25 novembre mais sans être entendus, d’où cette nouvelle journée de mobilisation», explique Fabienne Rouchy, secrétaire générale du syndicat CGT de la Banque de France.
 

Ambitions… de réductions

Parmi les sujets de contestation, le plan « Ambitions 2020 » du gouverneur. Dans le droit fil de la stratégie de son prédécesseur – Christian Noyer –, monsieur de Galhau vise la suppression de 2500 postes d'ici 2020 par le non-remplacement des départs en retraite. S'en trouveront pénalisées les activités de services au public, entreprises et particuliers. On songe notamment à la commission surendettement, mais aussi à l'activité de contrôle des risques de défaut des entreprises ou, plus grave, à l'activité de contrôle des banques : « C'est l'un des rôles majeurs de la Banque de France qui, sous l'égide de la BCE [Banque centrale européenne], est censée réguler la crise. Mais on voit bien que les contrôles mis en place depuis des années sont déjà largement insuffisants pour effectuer cette activité », précise Fabienne Rouchy. Idem s'agissant de l'offre pilier de la Banque de France, la fabrication de billets où, là encore, les agents disparaissent, partiellement remplacés par des contractuels.
 
Dénominateur commun à tous les projets du gouverneur, des réductions drastiques à tous les échelons de l’institution bancaire. Ainsi, outre les effectifs, le gouverneur prévoit-il de réduire fortement le déroulement de carrière des agents par l'allongement des durées de passages de grades. Cela aura pour effet, à terme, de raréfier considérablement les possibilités pour chaque agent d’atteindre le dernier indice de la grille en fin de carrière. En outre, l'impact de cette réforme se traduira par une baisse du pouvoir d’achat tout au long de la vie professionnelle, et singulièrement au moment de la retraite. Dans son communiqué de presse, la direction de la Banque de France a indiqué vouloir « faire coïncider la durée de la vie professionnelle avec la durée des carrières », entendre par là des départs en retraite de plus en plus tardifs.

 

Privatisation rampante

Autre point nodal de la contestation, le projet de suppression des commissions paritaires nationales d’avancement, lesquelles assuraient précisément l’égalité de traitement entre tous les agents et la protection contre l’arbitraire dans l'avancement professionnel. « Si cette réforme devait s’appliquer, les évolutions jusqu’ici très encadrées se trouveraient individualisées, au bon vouloir de l'encadrement local », analyse Fabienne Rouchy. Pour la CGT, le but du gouverneur est clair : démanteler le statut des agents de la Banque de France.
Tout comme celui des agents de la fonction publique, ce statut sui generis a pour vocation d’éviter les injustices, les différenciations entre les uns et les autres. « Il est le garant de l'indépendance des agents vis-à-vis de la direction et du gouvernement et un garde-fou indispensable pour assurer aux usagers l’égalité de traitement », développe Fabienne Rouchy.
 
Réduction massive du nombre d'agents, remplacement par des contractuels, modifications des règles statutaires, atteintes aux fondamentaux et aux moyens de l'institution… L'ensemble de ces réformes n'esquisseraient-elles pas un projet de privatisation qui ne dit pas son nom ? Telle est l'analyse largement partagée des agents de la Banque de France et de leurs syndicats. À juste titre : la privatisation est déjà à l'œuvre dans plusieurs pans d'activités filialisées de l'institution ; sa papeterie, par exemple, transformée en 2015 en société privée, avec du personnel embauché sous contrat de droit privé.
Bref, autant de craintes partagées qui expliquent l'unité totale des syndicats de la Banque de France et la puissance des mobilisations. Forte de 5 500 signatures sur sa pétition contre les projets du gouverneur, l'intersyndicale, qui a déposé son « sapin de Noël des revendications » lors du CCE du 6 décembre, a marqué des points et obtenu de nouvelles négociations sur les carrières, le report du CCE de janvier 2017 au mois de mars ainsi que la consultation des élus sur les conséquences de la réforme sur le statut des agents. Elle ainsi gagné un délai de quelques semaines pour faire évoluer le projet de la direction, asseoir les revendications et consolider la mobilisation dans toutes les antennes de France.

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