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Le gouvernement a confirmé hier
qu’il planche sur une réforme du licenciement économique à intégrer au projet
de loi El Khomri. Sous couvert de « clarifier » les règles, il s’agira de
faciliter les réorganisations d’entreprises.
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Le projet de loi El Khomri commence
à ressembler au fourre-tout explosif de la loi Macron. Alors que sa
présentation en Conseil des ministres est annoncée pour le 9 mars, pas une
semaine ne s’écoule sans qu’un nouvel élément ne soit annoncé par le
gouvernement. Le dernier en date n’est pas des moindres. Alors que le sujet
n’avait pas été évoqué jusqu’à présent, les Échos ont révélé lundi que le texte
comprendra aussi une réforme du licenciement économique, cheval de bataille
permanent du Medef, qui réclame toujours plus de « sécurité juridique » dans ce
domaine – synonyme de réduction des possibilités d’action en justice pour les
salariés injustement licenciés. Une fois de plus, l’organisation patronale a eu
l’oreille du gouvernement.
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« Le sujet est sur la table », a
reconnu hier matin le ministre des Finances, Michel Sapin, sur BFMTV, tout en
affirmant qu’« il n’est pas tranché, aucun choix n’a été fait ». Selon lui, il
ne s’agit « pas d’accélérer ni de faciliter » les licenciements, mais de «
clarifier les motifs économiques, pour mettre à l’abri d’un certain nombre
d’interprétations, en intégrant la jurisprudence dans le Code ». Un discours
flou, se voulant rassurant, mais peu crédible puisque au même moment, le
président du Medef, Pierre Gattaz, saluait déjà le « grand pas en avant », le «
signal fort aux entrepreneurs et investisseurs » que cette mesure pourrait
représenter. Elle viendrait s’ajouter au plafonnement des indemnités
prud’homales pour licenciement abusif, déjà annoncé en janvier.
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Une insécurité maximale pour les salariés
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Dans son « plan d’urgence pour
l’emploi » présenté mi-décembre, le Medef suggérait une voie de sécurisation
consistant à « intégrer dans le CDI les conditions de rupture pour éviter la
loterie des prud’hommes ». Les juges prud’homaux – dont la moitié sont des
employeurs – goûteront l’hommage rendu à leur travail d’estimation des
préjudices subis par les salariés. Il s’agirait donc d’inclure dans le contrat
de travail des clauses qui rendraient le licenciement possible dans certaines
circonstances, par exemple en cas de baisse du chiffre d’affaires pendant telle
durée, etc. Si les conditions étaient réunies, le salarié ne pourrait plus
contester le licenciement en justice. Mais il semble que le gouvernement n’ait
pas choisi cette voie du contrat de travail.
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D’après les Échos, deux pistes
seraient envisagées par l’exécutif, consistant toutes deux à réécrire la
définition du licenciement économique dans le Code du travail. Actuellement, un
licenciement économique est valable en cas de « difficultés économiques » ou de
« mutations technologiques », selon le Code. La jurisprudence a admis également
le motif de la « cessation d’activité », et celui de la « réorganisation ayant
pour objectif la sauvegarde de la compétitivité », lorsque l’entreprise n’est pas
en difficulté mais anticipe des évolutions technologiques qui vont la
déstabiliser. La première piste consisterait à affiner le motif des «
difficultés économiques », en intégrant un critère précis. L’exemple de
l’Espagne est cité, où, depuis une réforme de 2012, le licenciement économique
est permis quand une entreprise enregistre une baisse du chiffre d’affaires
pendant trois trimestres d’affilée. En France, une telle mesure faciliterait
certains licenciements, puisque aujourd’hui une simple baisse du chiffre
d’affaires ne suffit pas à caractériser des difficultés économiques. Mais elle
pourrait aussi se retourner contre les entreprises qui ne répondraient pas au
critère.
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L’autre piste est plus probable et
correspond aux propos allusifs de Michel Sapin. Il s’agirait d’intégrer dans le
Code le motif de « sauvegarde de la compétitivité » accepté par les juges
depuis 1995. Mais la transcription telle quelle ne changerait strictement rien
sur le plan juridique : à quoi bon une réforme pour rien ? Sous couvert de
transposition à droit constant, l’objectif est d’élargir ce motif pour
accroître les possibilités de restructuration. Aujourd’hui, le licenciement
pour sauvegarde de la compétitivité suppose que l’employeur démontre une
véritable menace sur le secteur d’activité. Demain, un simple objectif
d’amélioration de la rentabilité pourrait être admis. Un boulevard pour les
restructurations, une insécurité maximale pour les salariés.
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Le deuxième volet de la sécurisation. Le droit
actuel ne permet pas aux salariés d’empêcher un plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE) qui n’a pas de motif économique valable. Ce n’est qu’une fois licenciés
qu’ils peuvent demander réparation aux prud’hommes. En 2013, avec la loi
inspirée de l’ANI, le gouvernement a déjà accéléré la procédure de PSE.
Aujourd’hui, il restreint l’action des salariés devant les prud’hommes.
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