Retenues sur salaire différenciées : discrimination indirecte
grèveUn employeur qui, après un mouvement de grève, fait des retenues sur salaire différentes selon les conséquences de la mobilisation sur le fonctionnement de l’entreprise, est coupable de discrimination indirecte. Sans éléments objectifs et licites susceptibles de justifier cette distinction, l’employeur doit verser des rappels de salaires aux grévistes discriminés.
Une partie des salariés d’une société éditrice de magazines décide de cesser le travail en raison de la réduction de la superficie des bureaux après changement de locaux. Certains grévistes se sont arrangés pour que la grève ne retarde pas le bouclage de leur titre. Ce n’est pas le cas des salariés de Science et vie Junior. Une fois la grève terminée, ces derniers subissent une retenue sur salaire de 100 %, tandis que les salariés dont les titres ont été publiés en temps et en heure ne perdent que 50 % de leur rémunération au titre des jours de grève.
Cette façon de procéder vaut à l’employeur une condamnation à verser aux salariés de Science et Vie junior des rappels de salaire. L’entreprise se pourvoit en cassation : primo il ne s’agit pas d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice du droit de grève, car l’employeur n’opère pas de discrimination entre grévistes et non-grévistes. Deuxio, la distinction opérée est fondée sur « un critère objectif indépendant de la volonté de l’employeur ».

Discrimination indirecte
La modulation des retenues sur salaire peut être perçue comme une incitation à ne pas faire grève, ou pour le moins à la rendre indolore. Elle permet accessoirement de diviser les salariés. Il apparaît toutefois que les juges n’ont pas oublié que la désorganisation de l’entreprise est inhérente à la forme d’action qu’est la grève.

Selon la Cour de cassation, il s’agit bien d’une discrimination indirecte en raison de l’exercice normal du droit de grève. En effet, la différenciation des retenues prend en compte le degré de mobilisation des salariés et ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise. D’autre part, elle ne peut pas être justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la grève puisque les retards de parution résultent des conséquences inhérentes à la cessation collective du travail (Cass.soc. 9 juil. 2015, no 14-12779). La condamnation de l’employeur est confirmée.

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