Sans mesures immédiates de réduction des émissions de
gaz à effets de serre conjuguées à des politiques de développement
« solidaire et durable », plus de 100 millions de personnes
supplémentaires pourraient basculer dans l’extrême pauvreté à l’horizon 2030.
A
trois semaines de la COP 21, la Banque mondiale vient rappeler aux Etats le
caractère indissociable de la lutte contre le réchauffement de la planète et du
combat contre la pauvreté dans un rapport publié dimanche 8 novembre.
« Les
plus pauvres sont non seulement plus exposés mais ils perdent beaucoup plus
quand ils sont frappés par un choc climatique, souligne Stéphane Hallegatte,
économiste à la Banque mondiale qui a dirigé l’équipe à l’origine de ce
rapport. Car leur patrimoine, qui se résume souvent à du bétail ou à leur
logement, peut être complètement détruit lors d’un choc. »
Dépendant
de revenus tirés de l’agriculture et consacrant une large part de leur budget à
l’alimentation, ces ménages ressentent d’autant plus les impacts des mauvaises
récoltes, ou de la hausse des prix alimentaires induits par les sécheresses.
Ils sont aussi plus sévèrement touchés par les maladies favorisées par le
changement climatique, telles la diarrhée ou le paludisme. Or ces ménages les
plus démunis sont généralement non couverts par une assurance maladie et n’ont
pas un matelas d’économies suffisamment épais pour amortir les chocs
importants.
Face
à cette spirale, la Banque mondiale appelle à un renforcement des systèmes de
protection sociale, qui lors d’une catastrophe peuvent faire office d’assurance
auprès des ménages les plus vulnérables. A la suite du typhon Yolanda en 2013,
les Philippines ont ainsi mobilisé un programme spécifique de subventions aux
plus pauvres. Après une catastrophe, la rapidité de l’aide et son ciblage sont
en effet essentiels pour éviter les effets irréversibles sur la santé des
enfants et la vente en catastrophe et à bas prix d’actifs comme le bétail.
Dans
le même temps, la Banque mondiale insiste sur la nécessité d’une
« offensive » conjointe contre les émissions de gaz à effet de serre
« pour écarter la menace à long terme que représente le changement
climatique sur la réduction de la pauvreté ». « Si on n’agit pas dès
à présent, les effets après 2030 seront beaucoup importants », plaide
Stéphane Hallegatte.
Les
politiques climatiques peuvent en soi constituer un levier de ressources pour
financer les programmes de protection sociale ou de développement. « Une
taxe carbone, même modeste, à 10 dollars la tonne, permettrait d’intensifier
considérablement, de 50 %, la protection sociale. Ou de financer d’autres
investissements (comme l’accès à l’eau, à l’assainissement ou à l’énergie
moderne) qui profitent aux gens pauvres », fait valoir la Banque mondiale.
« Les
politiques de réduction des émissions doivent protéger et même profiter aux
gens pauvres », plaident les auteurs du rapport. En Indonésie, les revenus
tirés de la baisse des subventions aux énergies fossiles ont été réinvestis
dans la création d’une aide financière aux 30 % de personnes les plus
pauvres : 30 dollars par trimestre « qui, pour ces personnes, fait
plus que compenser le renchérissement de l’énergie, celles-ci en utilisant
peu », souligne Stéphane Hallegatte.
Dans certains pays à bas revenus
cependant, relève la Banque mondiale, le soutien de la communauté
internationale sera « essentiel », « surtout pour les
investissements présentant un coût initial élevé mais qui sont urgents pour
empêcher toute irréversibilité et tout enfermement dans un développement très
carboné ».
« Les fonds dédiés au climat
doivent contribuer à la réduction de la pauvreté », insiste Stéphane
Hallegatte rappelant que le déficit de financements des infrastructures dans
les pays en développement s’élève à quelque 1 000 milliards de dollars par an.
Une somme bien supérieure aux 100 milliards de dollars annuels (88 milliards
d’euros) promis en 2009 à Copenhague par les pays développés pour aider les
pays en développement à faire face au dérèglement climatique, et dont la
mobilisation fait encore l’objet de discussion à l’approche de la COP 21.
Commentaires
Enregistrer un commentaire