CONTRE LA RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL, DES GRÉVISTES PAR MILLIONS... C’ÉTAIT EN INDE, IL Y A QUELQUES JOURS !

mardi 29 septembre 2015

Quand l’Inde se met en grève – La réforme du code du travail

Un conflit social d’une ampleur jamais vue. Mercredi 2 septembre, ce sont près de 150 millions de travailleuses et travailleurs de toute l’Inde et de tous secteurs qui ont refusé de rejoindre leur poste. Ils·Elles s’opposaient à la réforme du code du travail proposée par le Premier ministre Narendra Modi, membre de l’ultranationaliste et conservateur Bharatiya Janata Party. Entre autres, ils·elles réclamaient un salaire minimum décent, l’amélioration des normes de sécurité au travail et la sécurité sociale pour celles et ceux qui travaillent dans l’économie informelle. e Sous le fallacieux prétexte de simplifier le code du travail, régi par des centaines de lois et différencié selon les Etats, Modi offre aux employeur·e·s une réforme qui est loin de leur porter préjudice. Il y a 15 mois, le Premier ministre avait déjà usé d’un argumentaire ouvertement promarché pour se faire élire. Aujourd’hui, il joue la carte du discours alarmiste, augurant une fuite des investisseurs étrangers si sa réforme n’est pas acceptée. Lorsque l’on sait que la croissance indienne atteint 7 %, on conçoit que ce boniment sert de prétexte pour légitimer le privilège accordé au profit et la démolition d’une protection sociale déjà peu étendue.
La réforme envisagée prévoit différentes mesures, dont les plus scandaleuses sont la limitation du droit des travailleuses et travailleurs à se regrouper en syndicat, une facilitation des licenciements pour les entreprises de moins de 300 employé·e·s et la libéralisation de l’engagement des emplois précaires. L’impact est particulièrement important pour les petites sociétés, or elles représentent plus de 85 % des manufactures du sous-continent.

150 millions de grévistes

Les principales centrales syndicales et certains partis de gauche se sont ralliés pour dénoncer cette réforme en appelant à la grève. Ils ont été plus loin en exigeant une augmentation du salaire minimum (à 250 $ par mois), ainsi que la protection sociale et la sécurité au travail pour toutes et tous. Ils ont également réclamé que le gouvernement renonce à la vente des parts des entreprises publiques pour renflouer ses caisses et à la fermeture des structures dites « improductives ».
La journée de grève s’est déroulée dans le calme dans la majorité des villes du pays ; seuls des heurts avec la police ont été relevés à Kolkata (Calcutta). Partout, des secteurs aussi variés que les services (banques, administrations publiques…), l’industrie, les mines et les transports se sont immobilisés. La portée du mouvement s’illustre encore davantage par le fait que les salarié·e·s du secteur informel, parmi les plus précaires (journaliers, serviteurs, vendeurs…), se sont associés à la protestation. En outre, les jeunes ont été largement représentés dans cette spectaculaire manifestation d’opposition à l’exploitation du salariat.

Population à bout de souffle et radicalisation des syndicats

Cette grève montre le raffermissement des positions de la plupart des syndicats du pays. En effet, depuis l’ouverture au marché mondial de l’Inde et la libéralisation progressive de l’économie, les syndicats ont été amenés à une radicalisation et un détachement des partis traditionnels. Face à la réduction du secteur public et secondaire ainsi qu’à l’augmentation du secteur informel, ils se sont rapprochés de leur base populaire et ont amorcé une coordination qui semble porter ses fruits.

Depuis 1991, pas moins de 17 grèves générales ont eu lieu, dont la plus impressionnante est certainement la dernière en date.

Autre explication à cet embrasement : malgré une entrée spectaculaire sur le marché économique globalisé, l’Inde reste le pays des inégalités. A ce sujet, l’OIT a reconnu qu’entre 1999 et 2011, la productivité du sous-continent a cru de 12,6 %, alors qu’en parallèle les salaires baissaient de 2 %. Quand la plus grande démocratie du monde élit à sa tête un défenseur du profit des actionnaires et du patronat, seul le plus large front de protestation de l’histoire saura abattre l’austérité et améliorer les conditions de vie de centaines de millions de pauvres.
Aude Martenot
source filpac cgt

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